Réforme ou révolution ?
Par : Abdelhak Riki
Au Maroc, des milliers de jeunes ont investi, sans préavis, les rues des principales villes du pays, le 20 février 2011, pour exiger plus de liberté, de justice et de dignité. Le printemps arabe avait commencé en Tunisie en 2010 et s’était propagé comme une traînée de poudre d’abord en Égypte, ensuite au Maroc et finalement en Libye.
Aujourd’hui, six ans après, on peut discourir sur les causes et supputer sur les conséquences de ce mouvement unique dans l’histoire du monde arabe. Pour les causes, certains ont avancé une intrusion américaine dans cette partie du monde ayant pour but un nouveau « Sykes-Picot », d’autres estiment que le renouveau est à l’ordre du jour suite à la faillite des régimes postindépendances.
Pour les conséquences, trois tendances se détachent, la première et la deuxième peuvent être considérées comme appartenant au même paradigme, puisqu’elles insistent sur le fait que le printemps s’est transformé en automne Arabe et que le mouvement des jeunes a profité aux islamistes. La troisième tendance avance l’idée que cette vague de protestations n’est qu’à ses débuts et que d’autres suivront tôt ou tard. Cette pensée est véhiculée par des intellectuels de gauche, qui se référent à l’histoire des révoltions de par le monde, essentiellement en Europe.
Évidemment, quand une révolution éclate, personne ne peut prédire sa fin ni sa tournure. Mais ce qui est certain, c’est que son coût, en vies humaines, est souvent élevé. D’ailleurs, les sociétés européennes, touchées de plein fouet par les révolutions durant les trois derniers siècles, ont « inventé » le système politique de démocratie représentative, permettant aux divers groupes sociaux et leurs représentations politiques de s’affronter sur le terrain des idées et de soumettre leurs programmes aux électeurs les invitant à utiliser le bulletin de vote en lieu et place de la pierre, des barricades et des armes à feu.
De nos jours, ce système politique, permettant l’alternance et la réforme, présenté par Winston Churchill comme « le pire des systèmes, à l’exception de tous les autres », est en crise, incapable de répondre aux divers défis, de contrecarrer la corruption et d’être un rempart contre les extrémismes et nationalismes qui reviennent en force pour hanter les nuits des Européens et des Américains.
Le problème est que ce système de démocratie représentative, de pluralisme et de séparation de pouvoirs, tant décrié par certains intellectuels et politiques occidentaux, est le rêve de millions de citoyens de pays en voie de développement. Depuis les indépendances des années soixante du siècle dernier, la plupart des peuples du « tiers-monde » ont vécu sous le joug de régimes despotiques, totalitaires, militaires et une démocratie de façade. Lors du printemps arabe, la jeunesse n’a cessé de revendiquer le droit à une participation citoyenne, libre, démocratique et souveraine pour le choix des parlements et des gouvernements.
La question principale qui se pose aujourd’hui au Maroc, est celle de savoir si la réforme est en marche ou bien n’est-elle qu’une chimère ? À cette question les avis sont partagés. Certains considèrent que les réformes entamées, par le gouvernement actuel (caisse de compensation et réforme des retraites entre autres), sont de nature à assainir le budget de l’État et ouvrir la voie à d’autres réformes structurelles au bénéfice du pays, de son tissu économique et de ses populations défavorisées.
D’autres nient toute option réformiste de ce gouvernement et soulignent que les solutions préconisées sont dictées par le FMI, faisant supporter aux fonctionnaires et salariés le règlement de la facture des dysfonctionnements des gouvernements antérieurs. Les plus critiques d’entre eux rejettent toute idée de « réforme » et insistent sur le fait que le véritable projet (occulté) de ce gouvernement présidé par les islamistes, n’est autre que de « ramper » doucement pour « l’islamisation de l’État et de la société ».
Néanmoins, si la « réforme » est un impératif politique, économique et social au Maroc ainsi qu’une exigence urgente des jeunes, il semble que l’on n’a pas encore réussi à élever cette « réforme » au niveau du consensus national et social. Beaucoup craignent que ce qui arrive n’est qu’une pilule tranquillisante et non pas une cure définitive aux nombreux maux sociaux et politiques du pays.
La jeunesse marocaine est sur le qui-vive, espérant que les prochaines élections générales apporteront du nouveau dans l’édification de l’État de droit dans le sens d’une transparence du scrutin, des programmes avancés de réformes et des coalitions politiques homogènes, loin de toutes « ingérences » interne et externe. Ils jugeront sur le tas et décideront de la suite du combat historique pour la « réforme » tout en faisant prévaloir leur droit légitime à la « révolution».
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